LUCY
ACEVEDO et l'ensemble KARIMBA - La musique et la danse afro-péruviennes
Un
aspect fondamental de la musique afro-péruvienne,
quelle partage avec de nombreux autres pays de lAmérique
latine de la côte pacifique, mais qui napparaît
bien évidemment pas à lécoute
discographique, sont les danses qui accompagnent presque
systématiquement la musique et les chants. Un dicton
souligne que " si no se baila, no es música"
- " si cela ne se danse pas, ce nest pas de la
musique ". Les danses sont le plus souvent associées
à des rythmes ou des musiques portant le même
nom. Ils en existe un nombre impressionnant, certaines se
retrouvant dans tout le Pérou, dautres étant
particulières à une ou plusieurs régions.
Le
lando, remis au goût du jour il y a un peu plus de
quarante ans, est un témoin fort de la volonté
de redécouverte et de réactualisation de traditions
africaines disparues entre-temps. Selon le musicien et chercheur
Nicomedes Santa Cruz, le lando serait dérivé
dune danse de fertilité appelée londu,
amenée tout dabord au Brésil par les
esclaves venu dAngola. Les couples de danseurs miment
le jeu de séduction, ainsi que, par des mouvements
expressifs du bassin (vacunao, de vacunar, vacciner), lacte
sexuel lui-même. Musique et danse afro-hispanique
par excellence, le lando est devenu un des emblèmes
de la musique afro-péruvienne.
Lorigine
du festejo (litt. : " festivité ") se trouverait
dans une confrontation de danseurs qui, sur les rythmes
des cajones instruments de percussions faits de simples
caisses de bois font montre de leur agilité
et de leur endurance, non sans rappeler la capoeira brésilienne.
Avec ses mouvements souples, sensuels et ondoyants, sa version
moderne, dansée par les deux sexes, est beaucoup
plus festive. Il sagit dailleurs plus dun
style rythmique que dune danse à proprement
parler, regroupant plusieurs sortes de danses (comme l'alcatraz).
Relativement peu joué dans les fêtes et encore
moins diffusé à la radio ou la télévision,
qui lui préfèrent les valses et les marineras,
une grande partie de son répertoire a pratiquement
disparu.
La
danza, aussi appelée habanera, est avant tout un
rythme qui aurait été ramené de Panama
par les Péruviens de retour après léchec
de la construction du canal entre 1888 et 1892. Cest
également une danse collective pratiquée par
la foule qui suit les cortèges - las comparsas -
de fêtes comme le carnaval ou les célébrations
de Noël. Comme lindique son nom complet, "
danza de los negritos ", elle est pratiquée
quasi exclusivement par les descendants des esclave noirs
de la campagne et des grandes haciendas.
Le
vals jaranero, est le plus festif des deux types de valse
existant au Pérou. La valse y est semble-t-il devenue
populaire au début du XXe siècle. Son origine
très fortement européenne na pas pour
autant affaibli la créativité des compositeurs
noirs ou créoles. Bien quétant un style
propre à lexpression de la galanterie ou de
la tristesse amoureuse, surtout dans sa variante lento,
la valse peut aussi bien, sous la plume des bardes péruviens,
devenir description festive, revendication sociale ou protestation
politique. Quoi quil en soit, elle sinspire
toujours de personnages ou dhistoires populaires.
La
zamacueca est apparue vers 1700 et conserva ce nom jusquen
1879, date à laquelle elle devient la " marinera
de Lima ". Danse de séduction pratiquée
dans les milieux tant ruraux quurbains et considérée
comme lascive par les colons, la marinera est maintenant
reconnue comme la danse nationale péruvienne par
excellence. Il en existe des versions " de salon ",
et dautre dites des galpones (litt. : " entrepôts
") et callejones (" passages ", " couloirs
"), qui étaient les lieux de vie et de réunion
des communautés noires. On la retrouve plus particulièrement
dans les provinces de Lima, de Chincha, de Cañete
et de Ica.
Issue
de la zamacueca, la marinera limeña est une autre
danse de séduction faisant partie des danzas de pañuelos,
ou danses du mouchoir. Très structurée, elle
tend à conserver une forme ancienne faute de pratiquants
et surtout de poètes sachant improviser pour renouveler
son répertoire, la joute poétique étant
un de ses traits particulier. Une de ses variantes est la
marinera norteña, pratiquée dans le Nord du
Pérou comme son nom lindique. Sa troisième
partie, vive et festive, est dite zapateada - de zapatos,
chaussures - se danse en claquant des pieds sur le sol au
rythme de la musique.
De
nombreuses autres danses ont aujourdhui disparu, comme
la zaña, la pava, le tondero, les tonadas, le tun-tun,
le cable, la zarambeque, la zambapalo, la chacona, le cariate,
la calenda, la yunza, le toro mata, le torito pinto, le
contrapunto de zapateo, le panalivio ou encore les pregones
issus des cris des vendeurs de rues.
Soulignons
enfin quoutre les chants marqués par les influences
africaines, il en existe dautres directement issus
de la tradition médiévale des troubadours
espagnols ; ce sont les versos cantados (vers chantés)
comme la cumanana, la decima, la copla, le triste ou lamor
fino, dont est notamment issu le lamento.