Ce titre, emprunté à Bernard
Lortat-Jacob, parle de lui-même. En effet, dans toutes
les régions d’Italie, il existe une certaine
catégorie de musiques ancrées dans une tradition
orale indéfectible, qui sont encore aujourd’hui
les signes audibles de la fête. En contexte rural
comme dans les quartiers populaires des villes, ces réjouissances
sont la propriété de tous, même si leurs
animateurs sont parfois des professionnels aguerris, passés
maîtres dans l’art de faire danser les corps,
de chambouler les âmes et de resserrer les liens sociaux.
Italie du Nord, du Sud ou des îles
: chaque région a ses spécialités,
ses mélodies favorites, ses instruments de prédilection,
propres à créer une atmosphère immédiatement
repérable par l’affirmation d’un style,
d'une esthétique. Hautbois dans la région
de l’Apennin, cornemuses en Calabre ou clarinettes
doubles en Sardaigne ; accordéons, guitares et voix
un peu partout : tels sont les principaux ingrédients
de cette cuisine sonore concoctée avec la complicité
des spécialistes que sont Fabrice Contri et Edouard
Fouré Caul-Futy. À consommer sans modération
!
Laurent Aubert
Les concerts de cycle seront enregistrés
par RSR-Espace 2
et diffusé ultérieurement dans l'émission L’ECOUTE
DES MONDES SUR ESPACE 2
Une émission de Vincent Zanetti – Les dimanches,
de 13h30 à 15h
Ecoutez Salvatore Meccio et Fabrice
Contri dans l'émission
Radio Paradiso - RSR la 1ère - Mardi 9 février
Jeudi 11 février,
18h30
Le
don de la tradition
Conférence à deux voix
par Stefano Valla (musicien) et Fabrice Contri
(ethnomusicologue)
Malgré un environnement politique et culturel qui,
depuis plusieurs décennies, apparaît peu favorable
à leur épanouissement, les musiques traditionnelles
d’Italie demeurent encore aujourd’hui vivaces
et variées. Leurs acteurs, empruntent, inventent
différentes voies dont les groupes invités
seront particulièrement représentatifs : voie
de l’héritage bien entendu, mais aussi voie
de l’art, de la recherche ethnomusicologique, de la
modernisation… Autant de chemins, parfois en apparence
contraires, qui, sans s’épuiser, cherchent
une perpétuation. La survie de la tradition passe
par le don : ce que l’on reçoit, ce que l’on
transmet, mais aussi ce talent inné que l’on
cultive… jusqu’à la perfection.
Jeudi 11 février, 20h30
ITALIE DU NORD
Première
partie :
Duo Valla-Scurati
Hautbois et accordéon de l’Apennin
Stefano Valla : hautbois piffero
Daniele Scurati : accordéon fisarmonica
Le piffero est un hautbois populaire qui
demeure l’un des principaux témoins des fêtes
rurales, carnavals et balli des « quatre provinces
» (Pavie, Alexandrie, Gênes, Plaisance). Autrefois
intimement lié à la cornemuse (musa), il s’est
associé à l’accordéon (fisarmonica)
depuis le début du XXe siècle pour former
un couple harmonieux qui reflète les changements
de modes et de goûts des musiciens et de leurs auditeurs.
La tradition assume ainsi pleinement son héritage
qui, en se modifiant mais sans s’interrompre pour
autant, parvient à préserver sa force, ses
valeurs et son esprit.
Stefano Valla et Daniele Scurati sont de
brillants interprètes mais aussi d’inventifs
compositeurs : allessandrina, piana, valses, mazurkas, polkas,
chansons de l’Apennin dansent, chantent et se renouvellent
sans cesse sous leurs doigts et à travers leurs voix.
Parfois encore, au détour d’une plus discrète
mélodie, affleure le souvenir de l’exil, de
ces émigrants partis du port de Gênes vers
d’autres aventures... Devenant douloureux, le chant
sort du temps présent, les cabrioles se figent, avant
que la danse ne lance à nouveau le rappel et nous
anime… jusqu’au prochain bal.
Seconde partie :
Compagnia Trallalero,
La Squadra
Chants polyphoniques de Ligurie
Polyphonie vocale de tradition orale, le
trallalero marque l’identité culturelle de
la ville de Gênes. Depuis la fin du XIXe siècle,
de nombreux immigrants, venus des montagnes voisines de
l’Apennin, y ont apporté leur patrimoine. Née
du plaisir de chanter en petit comité, cette polyphonie
puissante et large est le prétexte aux exubérantes
vocalises (tra-la-la), dont elle tire son nom. Elle est
aussi une histoire spécifiquement masculine, dans
laquelle les différents protagonistes se partagent
toute l’étendue du registre sonore : quatre
basses profondes, un baryton, un ténor, une voix
instrumentale appelée « voix de guitare »
(voce de chitarra) et un soprano (falsetto) élaborent
une polyphonie à cinq parties.
La Squadra, « l’Équipe
», perpétue cette atmosphère conviviale,
tout en satisfaisant à de hautes exigences artistiques
: la qualité exceptionnelle des voix, la richesse
du répertoire ne font jamais oublier le contexte
social, ouvrier et rural, de ses origines. Une force irrésistible
émane du groupe, captive et ravit tous les publics.
Cet équilibre, si difficile à atteindre, constitue
sans doute aujourd’hui le gage de la survivance de
cette tradition.
Vendredi 12 février,
20h30
ITALIE DU SUD
Première partie :
Ensemble Anna Stratigò
Musique des Arbëresh (Albanais des Pouilles)
Anna Stratigò : chant,
organetto
Angelo Le Rose : surdulina
Angelo Stratigò : chant, organetto
Piero Gallina : lira calabrese
Checco Pallone : tamburi a cornice, chitarra
Extrait audio :
Lungro, Aquaformosa, Civita, Altomonte…
ces petites cités du centre de la Calabre, partagent
des traditions très particulières, issues
d’un autre âge et pourtant toujours bien vivantes.
Ces traditions sont celles des Arbëresh, jadis Albanais,
qui fuirent les conquêtes ottomanes dès la
fin du XVe siècle, migrant vers la Grèce,
puis dans le Sud de la péninsule italienne, dans
les Pouilles, en Calabre et en Sicile.
La musique, ou plutôt les musiques
des Arbëresh, forment une véritable mosaïque
sonore : la surdulina du Mont Polino, la petite cornemuse
de la province de Cosenza, l’organetto a otto bassi,
accordéon diatonique omniprésent en Italie,
et les voix qui tantôt crient l’antique douleur
de la séparation en de bouleversantes polyphonies,
tantôt rient de ce monde en des dialogues improvisés
plein d’humour et d’ironie… sans oublier
la danse. Originaire de Lungro, à mi-chemin entre
les mers Ionienne et Tyrrhénienne, la chanteuse Anna
Stratigò porte haut cette culture depuis son plus
jeune âge, d’abord auprès de son père,
de sa famille, puis avec ses voisins et amis de la communauté
arbëresh.
Seconde partie :
Antiche Ferrovie Calabro-Lucane
Musique de fête de Calabre
Fondé en 2009, le groupe «
Antiche Ferrovie Calabro-Lucane » s’est réuni
autour d’un idéal sonore commun : développer
la pratique des instruments traditionnels de Calabre et,
plus largement, d’Italie du Sud. « L'effectif
de notre groupe, entièrement acoustique, n’utilise
que des instruments traditionnels. Son intention et de réintroduire
des timbres, des sonorités et des styles de jeu souvent
oubliés, mais fascinants dans leur "biodiversité"
», affirme Ettore Castagna, fondateur du groupe, mais
aussi anthropologue de talent, passionné d’histoire
et d’organologie.
Ettore s’est particulièrement
concentré sur la tradition de la Calabre centrale,
notamment sur le jeu de la zampogna a chiave et de la lira
qui, depuis ses travaux, a connu un renouveau certain. Giuseppe
Ranieri et Dominico Corapi ont pour leur part acquis les
bases de leur savoir au sein de leur famille : la zampogna
a chiave – grande cornemuse « à clefs
» – et le hautbois ciaramella pour Giuseppe
; la chitarra battente pour Domenico. Quant à Giampiero
Nitti, il a suivi la voie de la recherche ethnomusicologique
et du collectage, qui l’a conduit à apprendre
l'organetto méridional sous toutes ses variantes.
Samedi
13 février, 18h30
Cantu a chiterra,
joute vocale de Sardaigne
Conférence-démonstration
par Edouard Fouré Caul-Futy avec la participation de Emanuele
Bazzoni, Daniele Giallara, SalvatorAngelo Salis, Bachisio
Masia et Bruno Maludrottu
En Sardaigne, le cantu a chiterra s’exécute
communément en compagnie, entre amateurs. Mais il
se donne surtout à voir et à entendre en été,
à l’occasion de fêtes patronales célébrées
dans les villages : il devient alors spectacle et prend
l’aspect d’une gara (joute, compétition),
au cours de laquelle trois ou quatre chanteurs, accompagnés
d’un guitariste, sont invités à s’affronter.
Le public guette avec intérêt la représentation
de l’effort ; il attend parfois le craquage, la défaillance,
le manque de souffle. Cette présentation permettra
de se familiariser avec les codes musicaux de ce répertoire
unique de joute vocale, en présence de cinq musiciens
sardes parmi les plus talentueux de Sardaigne.
Samedi 13 février,
20h30
SARDAIGNE
Première partie :
Luigi Lai
Maître des launeddas sardes
Luigi Lai : launeddas
Fabio Vargiolu : launeddas
Extrait audio :
Luigi Lai
Véritables « cornemuses humaines
», faites de trois clarinettes de roseau où
la bouche joue le rôle de sac à air, les launeddas
ont un goût d’éternité : celui
de leur souffle puissant et de leurs perpétuelles
variations, qui usent de la technique de la respiration
circulaire. Les joueurs de launeddas déroulent l’écheveau
de leurs thèmes musicaux dans un perpetuum mobile
qui s’interdit tout retour en arrière. Ils
sont des trésors de mémoire et d’invention
et leurs merveilleux jaillissements semblent pouvoir guérir
toute forme d’ennui et d’impatience.
Luigi Lai est de ces musiciens qui marquent
une étape dans l’histoire sonore d’une
région… D’une fascinante habileté,
virtuose ayant conquis les plus prestigieuses scènes
internationales, il est aussi un héritier, dans le
plus digne sens du terme – il ne reçoit que
pour transmettre –, un artisan et un poète
des sons. À travers lui, ses maîtres Efisio
Melis et Antonio Lara – qui ne faisaient sonner leurs
instruments que pour animer la vie quotidienne des villages
– se font toujours entendre : de là un art
à la fois rustique et savant, qui touche unanimement.
Chant accompagné à la guitare,
le cantu a chiterra est un genre qui serait né dans
le Logudoro, au nord de la Sardaigne, avant de se diffuser
très largement un peu partout dans l’île.
Sous sa forme institutionnalisée, il prend l’aspect
d’une compétition (gara) au cours de laquelle
trois ou quatre chanteurs sont invités à se
confronter devant un public de connaisseurs. Les critères
esthétiques de la gara sont très précis
: puissance vocale, souffle, inventivité, ornementation
virtuose, contrôle des aigus, mais aussi respect de
la tradition des anciens maestri…
Les chanteurs invités sont jeunes.
Il n’est pas exagéré de dire que, par
leur force, leur talent et la beauté de leur voix,
ils ont complètement renouvelé le cantu a
chiterra contemporain. Dans toute l’île, ces
chanteurs sont littéralement adulés, non seulement
par une poignée de tifosi, mais par le public entier
des petites fêtes patronales de Sardaigne. Ils seront
accompagnés par deux guitaristes au style opposé
(et qui joueront, bien entendu, en alternance) : Bruno Maludrottu
et Bachisio Masia.
Salvatore Meccio vient de Sicile et porte
en lui les sons et les rythmes de sa terre natale. En 1991,
il part à l’aventure pour un vaste périple
musical, au cours duquel il rassemble nombre d’instruments
de son pays et d’autres contrées. Enrichi par
ces rencontres instrumentales et humaines, impatient de
les partager, il se produit avec diverses formations dans
plusieurs festivals internationaux, imaginant et réalisant
de nombreux projets musicaux et théâtraux,
expérimentant les styles et les esthétiques
les plus variés. En 2009, il déballe sa valise
en Suisse et ouvre un atelier de percussions dans le cadre
des Ateliers d’ethnomusicologie.Ce stage propose une
introduction à la pratique des deux principaux instruments
de percussion d’Italie méridionale et de Sicile,
la tammorra et le tamburello. A travers les techniques et
les figures rythmiques de base de ces tambours, ce stage
permettra de se familiariser avec les rythmes qui animent
les fameuses tarentelle et les tammurirate. Des instruments
seront mis à disposition des stagiaires n’en
possédant pas.
Prix du stage : 80 frs /
membres ADEM : 70 frs
Horaires : 15h-17h
Lieu : Ateliers d'ethnomusicologie
- 10, rue de Montbrillant - 1201 Genève
Inscriptions : Remplir le
talon d'inscription ou
envoyer mail à stages@adem.ch
et effectuer le versement sur le CCP 12-6003-0 - Ateliers
d'ethnomusicologie
Programmation : Fabrice Contri
et Laurent Aubert, avec la collaboration d’Edouard
Fouré Caul-Futy Suivi de production : Inge Sjollema Administration : Nicole Wicht Site internet : Astrid Stierlin Documentation, audio et vidéo :
Fabrice Contri Photographies : Fabrice Contri, Ettore
Castagna, Alessia Bottaccio, Edouard Fouré Caul-Futy,
archives ADEM Technique son : Hans Fuchs Graphisme : Tassilo
Prix des places :
35.- FS Plein tarif
25.- FS Membres ADEM, AMR & Amdathtra, Amis du SAMEG,
chômeurs, AVS
15.- FS Etudiants, jeunes
10.- FS Enfants jusqu’à 12 ans, carte 20 ans/20
francs
Conférence : entrée
libre
Passe général
90.- FS Plein tarif
70.- FS Membres…
Petite restauration dès 19h
Location
: Service Culturel Migros, 7 rue du Prince, Genève
(lu-ve, 10h-18h)
Renseignements : tél. 022 919 04 94
Concerts organisés avec le soutien du Département
de la culture de la Ville de Genève, du Département
de l'instruction publique de l'Etat de Genève, de
la Direction du Développement et de la Coopération
DDC