Le vodou en tant que système religieux
fait partie d’un vaste ensemble de cultes afroaméricains,
parmi lesquels figurent aussi notamment la santería
cubaine ou le candomblé brésilien. Tous attestent
des origines africaines, multiples et souvent entremêlées
du fait des brassages de populations suscités par
la déportation et l’esclavage, mais aussi recouvertes
d’un certain « vernis » chrétien
imposé par la domination européenne qui s’exerça
en terres caraïbes.
Notre vision du vodou a longtemps été
faussée par les images caricaturales qu’en
a produit le cinéma hollywoodien, à tel point
que de nombreux préjugés se sont développés
sur son caractère soi-disant maléfique, voire
démoniaque. L’exposition « Vodou, un
art de vivre » permet de rétablir une certaine
vérité sur le vodou à travers sa culture
matérielle, une culture à l’expression
forte et pour le moins surprenante, en rupture avec les
canons généralement admis de l’esthétique
religieuse. En exhibant pour la première fois ces
artefacts hors d’Haïti, elle offre les éléments
d’une réflexion qui dépasse de loin
le seul cadre du vodou haïtien.
Outre le Forum d’anthropologie visuelle,
organisé du 23 au 26 janvier sous le titre «
Parfums vodou », qui contribuera à situer le
vodou dans son contexte, il était important de compléter
cette approche sensible par la présentation d’expressions
musicales et chorégraphiques liées à
la « culture du vodou ». Sur les quatre soirées
organisées par les Ateliers d’ethnomusicologie
et le MEG à l’Alhambra sous le titre «
Autour du vodou », deux seront consacrées à
Haïti, et les autres à deux îles des Caraïbes,
Cuba et la Guadeloupe, dont les musiques d’origine
rituelle sont apparentées à celles qu’on
rencontre encore aujourd’hui en Haïti.
Les deux programmes consacrés aux
musiques haïtiennes en présenteront des visages
complémentaires. Le 21 février, le chanteur
Ti-Coca, sorte de « dandy tropical » au charisme
ravageur, abordera avec ses musiciens un répertoire
centré sur la poésie chantée et la
contredanse, expressions festives de nature profane, mais
enracinées dans le terreau du vodou. Portés
par l'accordéon, le banjo, la basse et les percussions,
Ti-Coca et son groupe Ouanga-Neges sont parmi les rares
interprètes haïtiens à avoir conservé
le caractère lancinant et chaloupé de cette
musique en petite formation acoustique.
Le 23 février, nous pourrons découvrir
Racine Mapou de Azor, l’ensemble emblématique
de la musique et des chants du vodou. Figure incontournable
de la culture haïtienne, Azor a récemment été
sacré « trésor national vivant »
par le Ministère de la culture. En effet, son principal
mérite est d’avoir su préserver l’authenticité
des chants et des rythmes issus du répertoire vodou
tout en les présentant hors de leur contexte cérémoniel.
Formé de musiciens tous vaudouisants pratiquants,
Racine Mapou se réfère directement à
l’univers du vaudou : le mapou est en effet l’arbre
sacré réputé héberger les esprits.
Quant aux soirées des 20 et 22 février,
elles sont dédiées à des expressions
non haïtiennes, mais proches de la tradition du vodou.
La première aborde la musique afrocubaine, avec le
groupe Yoruba Andabo, ensemble « mythique »
fondé en 1961 dans le quartier du port de La Havane.
Yoruba Andabo est sans conteste le meilleur représentant
actuel de la grande tradition afrocubaine en matière
de danse, de chant et de percussions. Son vaste répertoire
traverse aussi bien les cycles sacrés congo, yoruba
et abakuá du culte de la santería, que ceux
de la rumba, avec ses trois formes constitutives que sont
le yambú, le guaguanco et la columbia.
Ce sont enfin la musique et la danse du gwoka guadeloupéen
qui seront présentées par l’ensemble
Kan’nida le 22 février. Sa musique est l’héritière
des anciens chants de labours et de veillées mortuaires
qui, depuis l’abolition de l’esclavage il y
a plus de deux siècles, ont rythmé la vie
de la société paysanne des Grands Fonds (région
du centre de la Grande-Terre). En perpétuant le souvenir
des anciennes swaré tanbou avec son invité
spécial Napoléon Magloire, doyen des chanteurs
de gwoka, Kan’nida affirme sa volonté de transmettre
la mémoire de la Guadeloupe tout en l’enrichissant
d’une créativité toute contemporaine.
Laurent Aubert