Une trentaine de peuples autochtones vivent en Sibérie.
Sans vouloir prétendre à une présentation
intégrale, ce petit cycle propose un aperçu
représentatif de leurs différentes musiques
en trois concerts liés, sans rigidité excessive,
aux langues pratiquées. Le point commun entre toutes
ces populations est l’attachement au chamanisme. Même
si le chamane est de moins en moins souvent présent
physiquement, tout chant, qu’il soit rituel ou non,
est susceptible d’être entendu par les esprits.
Si le chamanisme est sous-jacent dans toutes
les expressions musicales des peuples autochtones de Sibérie,
il est ici particulièrement en évidence. Ce
concert bénéficiera en effet de la présence
de l’un des très rares chamanes traditionnels
encore vivants en Sibérie, Saveli Vasiliev, appartenant
au peuple Evenk, qui effectue encore régulièrement
des rituels pour les chasseurs-éleveurs de rennes de
la taïga.
Trois autres peuples toungouses de tradition
chamanique seront représentés : les Naaïs,
les Oudégués et les Oultches. Un pêcheur
sédentaire nanaï et une chanteuse oultche chanteront
chacun leur répertoire chamanique en dansant au son
du tambour. Deux musiciennes oudégués de la
région au nord de Vladivostok, chanteront les mouettes
et les ours et joueront de leurs guimbardes et leurs trompes
en écorce de bouleau, inspirées par les appeaux
de ce peuple de chasseurs de la taïga. Et un éleveur
de rennes tchouktche évoquera l’ambiance des
rituels chamaniques de la toundra avec ses étonnants
chants de gorge aux timbres rauques.
Une musicienne iuit, épouse d’un
chasseur de baleines, présentera ses chants sur les
mammifères marins et les animaux de la toundra en s’accompagnant
de son tambour. Pour conclure, deux femmes recréeront
par leurs danses chantées l’atmosphère
joyeuse des fêtes villageoises chez les éleveurs
de rennes koryaks.
Vendredi
9 février, 18h30
Conférence : Le
renouveau des musiques sibériennes
par Henri Lecomte
Entrée libre
L’Occident ignorait pratiquement tout des musiques des
populations autochtones sibériennes jusqu’au
démantèlement de l’URSS. Les rares échos
qui nous étaient parvenus laissaient entrevoir une
folklorisation accentuée et la disparition des valeurs
traditionnelles liées au chamanisme.
Une fréquentation des peuples autochtones,
qui a commencé au printemps 1992, a permis à
Henri Lecomte de découvrir un monde bien différent.
C’est à partir d’expériences de
terrain qu’il tentera de décrire, en suivant
le schéma des concerts donnés à Genève,
la situation selon les principales zones culturelles. L’accent
sera mis sur les expressions les plus enracinées, le
renouveau du chamanisme et son évolution (on voit se
développer un « chamanisme sans chamanes »),
mais les formes urbaines identitaires seront également
évoquées.
L’Ours, dont il ne faut pas prononcer
le nom, est un personnage central chez bien des peuples sibériens.
Les femmes nivkhs de l’île de Sakhaline jouent
les rythmes liés à la Fête de l’Ours.
À l’autre extrémité de la Sibérie,
les Khantys et les Mansis jouent le Jeu de l’Ours au
son de la cithare. L’ours est également très
présent dans la pensée collective de la plupart
des peuples du Grand Nord.
Trois peuples de langues samoyèdes
seront d’abord présentés : les Nénetses,
les Selkoupes et les Nganassanes. Les éleveurs de rennes
nénetses, nomades de la toundra du nord du cercle arctique,
seront représentés par une chanteuse d’épopée.
Les Selkoupes, un peuple de chasseurs et pêcheurs de
la forêt, un peu au sud des Nénètses,
ont conservé un passé chamanique encore bien
présent dans les mémoires, comme en témoignent
les chants de femmes qui suivront. Quant aux Nganassanes,
le peuple le plus arctique d’Eurasie, leur habitante
d’un village isolé de la toundra.
La seconde partie de la soirée sera
consacrée à des musiciens issus de deux peuples
de langues finno-ougriennes vivant dans le bassin de l’Ob
: les Khantys et les Mansis, dont les pièces vocales
et instrumentales évoqueront la fête du Jeu de
l’Ours, liée à leurs anciennes traditions
animistes. Le concert se terminera avec deux chanteuses et
une danseuse nivkh de l’île de Sakhaline, qui
jouent aussi d’une grande poutre ornée à
une extrémité d’une tête de plantigrade
sculptée ; elles seront accompagnées par un
joueur de vièle monocorde à la technique surprenante.
Samedi 10
février, 17h30
Film : Sept chants
de la toundra
de Markku Lehmoskallio
et Anastasia Lapsui (Finlande)
Jörn Donner Productions, 2000,
90’, 35 mm, VOSTF
A la fois documentaire et fiction, ce film
est construit, comme l’indique son titre, autour de
sept chants, éléments importants de la culture
des Nénetses, peuple de chasseurs et d’éleveurs
du Grand Nord. Sept récits évoquant des légendes
ou les propres souvenirs de la scénariste et réalisatrice
finlandaise Anastasia Lapsui, elle-même d’origine
nénetse, Si le premier et le septième chant
sont des documentaires, les cinq autres introduisent des éléments
de dramatisation. Les « acteurs » - des Nénetses
dans leur propre rôle – ne font que reproduire
devant la caméra des gestes et des coutumes séculaires.
On est sur le point de penser que ce mode
de vie est immuable, quand l’Histoire fait irruption
dans le film, celle des années 1920 avec les ravages
du stalinisme et de la collectivisation : la présence
de prisonniers du goulag, la sédentarisation, la réquisition
des troupeaux de rennes et la scolarisation forcée.
A l’origine peuple de chasseurs du
sud et du centre de l’Europe, les Nénetses ont
été repoussés vers le Nord par les invasions.
Ils sont aujourd’hui 35'000, répartis sur un
territoire de plus d’un million de kilomètres
carrés. Leur avenir n’incite guère à
l’optimisme, car ils vivent sur l’une des plus
grandes réserves de gaz et de pétrole du monde.
« Sept chants de la toundra » est un film remarquable
sur une culture peu connue et menacée.
Les peuples turco-mongols ont une riche tradition
de techniques vocales, dont la plus remarquable est celle
du chant diphonique, où le chanteur (ou la chanteuse)
chante simultanément une note tenue et une mélodie
harmonique, comme le démontrent brillamment les artistes
touvas et altaïens. Les Sakhas ont également des
techniques très diverses faisant appel aux coups de
glotte et au yodel.
Les Sakhas sont les maîtres de la guimbarde
khomous, liée à la tradition des forgerons et
des chamanes, qui pratiquent le chant de gorge et le chant
harmonique avec une grande virtuosité, inspirée
par les sons de la nature. L’art vocal est également
développé, en particulier le chant d’éloges
et l’épopée, faisant usage des techniques
raffinées, liées aux techniques du jeu de la
guimbarde.
Le chant diphonique sera présenté
par trois musiciens de Touva, qui en sont les maîtres
; ils seront accompagné au luth, à la vièle
et é la cithare. Le chant diphonique comporte sept
styles de base, qui se combinent de façons très
diverses. On retrouve le chant diphonique et le chant de gorge
chez les musiciens de l’Altaï, notamment pour interpréter
les exploits des héroïnes de la geste altaïenne.
La soirée se terminera avec les Bouriates
un peuple mongol des steppes et des forêts, qui a été
sédentarisé par les Soviétiques. Leur
répertoire, qui mêle les thèmes bouddhiques
et chamaniques, sera présenté par deux chanteuses
à la puissante voix de gorge, accompagnée à
la cithare et à la vièle-cheval, dont jouent
la plupart des peuples mongols.
Sélection des artistes,
rédaction et photos : Henri Lecomte
Dès 19h, petite restauration et repas chauds
proposés par le restaurant Olé-Olé, uniquement
sur réservation (au plus tard 24h à l’avance
au 022 731 38 71)
Prix des places : 30.-
Membres Ateliers, AMR & Amdathtra, Amis du Musée
d’ethnographie, chômeurs, AVS : 22.-
Etudiants, jeunes : 15.- Enfants jusqu'à
12 ans, cartes 20 ans/20 francs : 10.- Film : 8.- / 5.-
Passe général : 70.- (plein tarif) / 50.- (membres…)
/ 40.- (étudiants…)
Location : Service culturel Migros, 7 rue du Prince, Genève
(lu-ve, 10h-18h), dès le 8 janvier
Réservations : tél. 022 919 04 90 et sur le
site http://www.adem.ch/resa.htm
Concerts organisés avec le soutien du Département
des affaires culturelles de la Ville de Genève, du
Département de l'instruction publique de l'Etat de
Genève et de la Direction du Développement et
de la Coopération DDC.