Les musiques arabo-andalouses s’inscrivent
dans le patrimoine de l’humanité comme des
monuments sonores de tout premier ordre. Avec la reconquête
chrétienne de l’Espagne médiévale,
le Maroc en a recueilli plusieurs courants qui se sont cristallisés
en deux écoles principales : celle de Fès
qui compte deux lignées distinctes depuis le début
du XXe siècle. La lignée de El Brihi s’est
poursuivie avec Abd El Karim Raïs pour aboutir à
Mohammed Briouel ; elle se caractérise par sa préoccupation
de haute culture musicale et poétique et par son
domaine de prédilection : le concert profane et la
représentation musicale officielle du Palais Royal.
A ce titre elle n’a pas hésité à
suivre la mode du nouvel instrumentarium arabe dans lequel
les instruments du quatuor à corde occidental ont
eu tendance à étouffer les sonorités
traditionnelles.
L’autre lignée est celle de
M’Tahiri. Elle se caractérise par un recrutement
de musiciens éduqués dans les maisons de confréries
(zawiya) où la conservation des intervalles originaux
des modes est plus pointilleuse. Cette lignée s’est
poursuivie avec Ustad Massano Tazi et aboutit aujourd’hui
à Ahmed Chiki.
En 1972, Marc Loopuyt, qui était
en résidence à Fès, fait construire
plusieurs répliques d’instruments oubliés
par le luthier Ben Harbit, dont le fameux ‘oud ramal,
luth spécifiquement marocain à 4 chœurs
délaissé depuis 1930 au profit du luth arabe
oriental, à six chœurs et à l’accordature
complètement différente. Quelques années
plus tard, son ami Ahmed Chiki reprend à son compte
cette tentative d’émergence et réexplore
les possibilités du ‘oud ramal. Sa parfaite
connaissance des deux répertoires, sacré et
profane, et sa participation à l’enregistrement
de Ocora/Radio France avec Ustad Massano le dirige vers
une réorganisation plus traditionnelle de l’orchestre
de Fès sur le plan organologique.
Ainsi l’ensemble présenté
ici retrouve la respiration nécessaire à la
lisibilité de l’hétérophonie
marocaine : un seul instrument de chaque sorte et les cordes
en boyau. Il se compose donc du luth ancien ramal, de la
cithare qanun, de l’alto (kamanja kbira) monté
de cordes en boyau (introduit au XVIIIe siècle),
de la vièle médiévale rabab (proche
du rebec médiéval) et de deux percussions
: la grosse darbuka grave et le tar, tambourin à
cymbalettes.
Dès lors l’équilibre
quantitatif et l’alchimie qualitative sont retrouvés
et l’orchestre peut soutenir et dialoguer avec les
chanteurs dans le plus parfait équilibre d’une
conversation de bon aloi au service des sommets inouïs
fréquentés par la poésie arabe d’Andalousie.
Marc Loopuyt
Enregistré par RSR-Espace 2
L'Ensemble Quraysh dirigé
par Hadj Ahmed Chiki sera également
:
Jeudi 4 octobre à 20h30
Théâtre du Pommier
- Centre culturel de Neuchâtel
Réservations: Culture nomade : Plateau libre:
032 725 68 68
Le
festival "Nuits du Maroc" bénéficie
du soutien de :
Département
de la culture de la Ville de Genève, du Département
de l’instruction publique de l’Etat de Genève,
de la Direction du développement et de la coopération,
DDC, de la Loterie romande, de Migros Pour-cent culturel
et de la Radio Suisse Romande, Espace 2.