Ce voyage n’est pas celui de René
Caillet – ce célèbre voyageur effectua
le trajet dans l’autre sens – ni celui de Charles
de Foucault – pourtant, ce personnage hante encore
certains chemins. Ce voyage est celui d’un conteur
saharien, né dans une oasis perdue entre ciel et
terre et qui, depuis 1962, arpente et chemine à travers
Tanger et ses « Matins roses », et jusqu’à
la « Ville des sables ».
Depuis que j’ai l’âge
de cinq ans, je traverse le Maroc du nord au sud et me promène
d’est en ouest. Ces routes sont devenues pour moi
un parcours mythique et initiatique. Sur ce chemin, j’ai
écouté grand nombre d’histoires d’hommes,
de femmes et d’enfants. J’y ai découvert
une diversité de cultures, de mœurs et de coutumes.
Par la magie de la parole, tels des génies
et d’un claquement de doigts, nous irons dans la sublime
Fès, d’un petit vent léger qui descendra
de l’Atlas, nous survolerons l’inoubliable Marrakech
et n’oublierons pas d’aller rendre visite aux
peuples de la mer, des plaines, des océans et du
désert. Nous traverserons un tissage d’histoires
: l’âme de ce pays, mémoire étincelante
d’un peuple aux mille et une facettes.
Hamed Bouzzine est né au Maroc,
à la frontière du Sahara, dans la tribu berbère
des Aît ou Moussa. Fils de poétesse, il a été
bercé par le chant depuis sa plus tendre enfance.
Parisien depuis 1970, il décide de devenir musicien
conteur à l’âge de 23 ans, dans l’intention
de créer un pont entre la tradition des griots berbères
et la modernité des poètes urbains. Son travail
se nourrit des mythes d'Afrique du Nord que lui transmirent
sa mère et son grand-père, puisant dans les
folklores de Mauritanie et d'Arabie, dans les youyous et
le vent des sables. Dans la lignée des morrabitoun,
les « broyeurs de sens », il articule ses textes
autour de personnages forts, entre tendresse et tragédie
familiale.
Il puise à la source des troubadours
berbères des histoires d’hommes libres : des
contes drôles, poétiques, merveilleux qui sentent
le soleil, le sable du désert, les montagnes de l’Atlas
et le pays des Touaregs, des histoires remplies de bons
et mauvais génies, de rois et de princesses lotis
sous la tente ou dans des palais de mille et une nuits…
C’est un magnifique voyage en histoires ensoleillées,
de Tanger à Tombouctou, sur les routes de la sagesse,
de la tolérance et de l’humanité.
Hamed Bouzzine ne se contente pas de raconter
des histoires, aussi stupéfiantes soient-elles. Il
les chante également. Comme tout bon troubadour,
le conteur marocain est également un excellent musicien.
La musique fait partie intégrante de ses contes,
qu’il accompagne à chaque fois d’un instrument
traditionnel différent. Les histoires se succèdent
au rythme lancinant des mélodies répétitives,
provocant une sorte d’envoûtement chez le spectateur
qui se sent comme subjugué par la richesse de la
langue, la mélodie des incantations, le charme du
poète.
Mais ce qui séduit le plus chez
Hamed Bouzzine, c’est la malice, la drôlerie
et l’humour permanent qui se mêlent aux textes,
par ailleurs rigoureusement travaillés et nullement
improvisés. D’une forte stature à la
noble beauté, le visage du conteur est constamment
animé d’un sourire malicieux plein d’espièglerie.
Les yeux sont mi-clos, plissés par l’envie
de rire ou bien comme s’ils craignaient le soleil
trop fort du désert.
Ce spectacle a été créé
à l’Institut du Monde Arabe de Paris dans le
cadre du « Temps du Maroc ».
Samedi 6 octobre, 20h30
La nuit du conte :
Les folies berbères
Hamed Bouzzine et Ali Merghache
Spectacle
écrit et interprété par Hamed
Bouzzine et Ali Merghache
Lumières : Hervé Bontemps
Décors : Maud Bouzzine, Hervé Fonchain
C’est en forgeant qu’on devient forgeron
C’est en mourant que l’on devient mort
C’est en émigrant que l’on devient émigré
Quand je suis parti, je ne savais pas d’où
je venais
Et encore moins où j’allais.
Un seul mot magique résonnait dans ma petite tête
: « le Nord ».
Mais le Nord est très loin quand on vient du grand
Sud.
L’épopée minuscule
et grandiose des exilés : ces anonymes, bricoleurs
d’existence sont venus du Sud pour vivre ici une vie
qui ressemble à une vie. Les gens du Nord en ont
fait des immigrés. Les Folies Berbères en
témoignent, tous ces petits personnages étaient
aussi grands que leurs rêves, aussi magnifiques que
leurs illusions. La preuve : ils sont aujourd’hui
capables de rire de tous leurs malheurs, capables de danser
le monde en révélant sans faux semblants la
fragilité de l’être humain.
Nées de la rencontre de deux générations
de l’émigration, les Folies Berbères
nous révèlent la possibilité d’une
histoire commune à travers les mémoires croisées
d’Hamed Bouzzine et Ali Merghache : une histoire où
les fils et les filles peuvent retrouver la voix de leurs
parents. Ceux que l’on a tant bafoués existent
en toute dignité et au-delà de tout cliché.
Conteurs, musiciens, amis de la Comédia dell’
arte comme de l’épopée, Hamed Bouzzine
et Ali Merghache ont écrit et mis en scène
ce spectacle, qu’ils interprètent avec la complicité
du soleil et du vent.
C’est l’histoire de deux troubadours
venus de loin, d’on ne sait où. Le premier
se nomme « le Souffleur de Rêves », le
second s’appelle « le Souffleur de Vers ».
Ils voyagent avec la grande roue de la vie, celle des destins
d’anonymes, de silhouettes, d’ombres, des gens
de peu.
Dès que la roue tourne, surgissent
les vies de ces bricoleurs de l’existence, se révèlent
les histoires de ces peuples nomades : ceux qu’on
appelle immigrés. Mosaïque de destins, histoires
croisées de générations où les
visions des pères et de leurs enfants sont racontées
avec les trous de mémoire, mais sans les clichés.
Ces récits reflètent l’éternité
du désir, du rêve, du burlesque de la vie de
l’exilé(e). Le duo est parfait, léger
et drôle. Hamed et Ali ont cet art d’enlever
le poids de la réalité de nos frêles
épaules. Ils posent un voile d’amour et d’humour
sur la grisaille de notre quotidien.
«L’immigration a une mémoire,
elle est en train de se faire. Il y avait un devoir de non-oubli,
un devoir de rendre compte : on nous a transmis des épopées,
des choses importantes qu’il ne faut pas perdre. Nous
ne sommes pas vraiment des conteurs traditionnels mais une
mutation entre tradition et modernité. Avec ce spectacle,
on arrive dans cet espace de la modernité. On ne
reproduit pas ce que l’on a fait avant, sinon ça
ne sert à rien d’être artiste.»
Hamed Bouzzine et Ali Merghache
La Nuit du conte de Hamed
Bouzzine, de Tanger à Tombouctou ou les mirages
de lumière sera également :
Jeudi 4 octobre à 20h
Théâtre du Pommier
- Centre culturel de Neuchâtel
Réservations: Culture nomade : Plateau libre:
032 725 68 68
Le
festival "Nuits du Maroc" bénéficie
du soutien de :
Département de la culture de la Ville de Genève,
du Département de l’instruction publique de
l’Etat de Genève, de la Direction du développement
et de la coopération, DDC, de la Loterie romande,
de Migros Pour-cent culturel et de la Radio Suisse Romande,
Espace 2.